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eBox : on dit stop, mais le Gouvernement fédéral dit encore !

Communiqué de presse de Lire et Écrire

L’eBox, cette boite aux lettres électronique mise à disposition des citoyens par les pouvoirs publics, est censée « organiser et numériser leurs services plus efficacement et mettre fin à la paperasse administrative… » Dans les faits, son fonctionnement est complexe et peu transparent. Mais le secrétaire d’État à la digitalisation, Mathieu Michel, a décidé de l’ignorer et d’aller un pas plus loin.

Il poursuit le développement de l’eBox lancée fin 2018 et vient de déposer un projet de loi à la Chambre qui prévoit d’élargir ses fonctionnalités au service d’envoi recommandé électronique. Cela signifie que les administrations publiques, ainsi qu’une série de services privés qualifiés, pourraient désormais envoyer ce type de courrier uniquement à cette plateforme en déléguant aux citoyens et entreprises la responsabilité d’en prendre connaissance. Ces recommandés, envoyés sur l’eBox, auront dès le 1er janvier 2025 une validité identique à un envoi courrier.

Pour Lire et Écrire, cette nouvelle proposition est source d’inquiétudes et d’indignation. Alors que les chiffres et les réalités de terrain attestent des inégalités sociales numériques croissantes au sein d’une large partie de la population, les pouvoirs publics renforcent leurs procédures de numérisation en méprisant les besoins, les capacités et les droits essentiels des citoyens. Selon le Baromètre de la Fondation roi Baudoin, moins d’un internaute sur deux détenant de faibles compétences (46 %) utilise l’administration en ligne, contre 95 % de leurs homologues aux compétences avancées.

Présentée comme une application sécurisée permettant d’interagir plus facilement avec les différentes administrations et services d’intérêt général, l’eBox pose déjà de nombreux problèmes aux citoyens, et pas seulement ceux qui sont en difficulté de lecture et d’écriture. 41 % de la population adulte ont rencontré des difficultés avec l’utilisation des services administratifs en ligne en 2022 [1]. L’utilisation de l’eBox varie fortement selon le niveau d’instruction : 36 % de la population ayant un niveau d’instruction faible ont utilisé l’eBox pour réceptionner des documents contre 68 % des personnes plus diplômées. De nombreux apprenants à Lire et Écrire sont perdus dans le dédale des démarches administratives en ligne. Pour pouvoir utiliser une telle interface numérique, naviguer sur le web, écrire un e-mail, s’emparer de l’eBox, la lecture et l’écriture sont des prérequis indispensables [2].

Les dysfonctionnements et le manque de transparence des procédures de l’eBox sont lourds de conséquences. Des citoyens en difficulté de lecture et d’écriture attestent notamment :

  • Qu’ils n’ont pas marqué leur accord explicite pour l’utilisation de leur eBox (celle-ci ayant été activée de manière peu explicite par l’administration lors du Covid safe ticket) et qu’ils ne savent donc pas que des documents arrivent sur cette boite avec des informations importantes ;
  • Qu’ils ne sont pas avertis de l’arrivée d’un courrier via leur e-mail personnel (car ils ne l’ont pas encodé dans l’eBox), et plus souvent encore parce qu’ils ne possèdent pas d’adresse e-mail ;
  • Qu’ils ne parviennent pas à désactiver leur eBox, une fois la procédure enclenchée ;
  • Que des institutions publiques et organismes avec une mission de service public (hôpitaux, administrations) envoient des factures via l’eBox sans en informer clairement les citoyens, ce qui entraine des pénalités (amendes administratives, mises en demeure) et tracasseries administratives en cascade.

Lire et Écrire constate encore une fois la surdité face aux difficultés exprimées par de nombreux citoyens, que ce soit au travers des associations ou via des services de médiation. Nous disons non au développement de l’eBox pensée sans les usagers, non à l’ignorance qu’affiche le projet des usages numériques réels des nombreux citoyens et non au mépris des impacts graves que les « mauvais usages numériques » peuvent avoir dans la vie de personnes déjà socialement fragilisées [3].

Lire et Écrire ici demande que des alternatives papier soient maintenues et qu’une analyse d’impact soit effectuée pour penser une meilleure accessibilité à cette plateforme. Sinon, une fois encore, le piège se refermera sur les personnes les plus fragilisées.

Contact presse : Cécilia Locmant, cecilia.locmant@lire-et-ecrire.be, 0474 338 560.


[2Justine Duchesne, Dédale dans le tout revers du numérique, Lire et Écrire Wallonie, mai 2022.

[3Dans un avis commun, Unia (Centre interfédéral de l’égalité des chances) et le Service de lutte contre la pauvreté reconnaissent le caractère discriminant de la dématérialisation des services publics et d’intérêt général à l’égard des personnes en situation d’analphabétisme. Plus d’infos : Lire et Écrire, Les « Oubliés du numérique » enfin entendus…, communiqué de presse, mars 2023.